OpenAlex intégré au Web of Science, ou la capture du travail des “commoners” / OpenAlex integrated into the Web of Science, or capturing the work of “commoners” | Notebook’IST

flavoursofopenscience's bookmarks 2025-11-25

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by Frédérique Bordignon · 24/11/2025

C’est une annonce qui est passée relativement inaperçue, mais qui mérite que l’on s’y arrête un instant. Clarivate a récemment annoncé l’intégration d’OpenAlex comme une nouvelle base de données au sein de sa plateforme Web of Science (WoS), sous le nom évocateur de Research Commons.

Ce mouvement stratégique soulève une série de questions sur la rhétorique de l’ouverture et l’économie de la publication scientifique. L’ouvrage inspirant de Samuel Moore, Publishing Beyond the Market, offre des clés de lecture précieuses pour décrypter le phénomène.

L’art de la rhétorique de l’open

Le communiqué de presse de Clarivate est, à sa manière, un chef-d’œuvre de communication. L’entreprise y adopte le vocabulaire de la science ouverte. On y parle notamment de bibliodiversité, et on reprend les mêmes arguments qui servent à la promotion de bases ouvertes, et notamment d’OpenAlex.

Pourtant, dans le même souffle, Clarivate présente OpenAlex comme une base de données de qualité inférieure, soulignant qu’elle n’atteint pas le niveau de qualité de la Core Collection (ce qui n’est pas complètement faux). Mais c’est une forme étrange de dénigrement (open bashing ?) : on intègre une ressource pour bénéficier de son image positive, tout en la dévaluant pour justifier la valeur ajoutée du produit payant qui l’encapsule.

Par ailleurs, il est vrai que Clarivate ne prétend pas être ouvert (Research Commons reste verrouillé derrière l’abonnement au WoS), mais cherche à capitaliser sur l’image d’openness.

Commons washing

Mais l’enjeu dépasse la simple image de marque. Il réside dans ce que l’on peut appeler du commons washing (voir encore ici l’ouvrage de Samuel Moore, page 62, et le propos de Mélanie Dulong de Rosnay ; et aussi le preprint de Silhol et al qui présente la notion d’open washing, dans le cadre du projet ANR ROR2 auquel nous contribuons).

Le commons washing est une prolongation de la logique du greenwashing pour désigner la stratégie par laquelle des acteurs adoptent la sémantique et les valeurs des communs (ouverture, partage, contribution) pour masquer des intentions qui en réalité s’en éloignent, a fortiori lorsqu’il y a un enjeu commercial. Selon Samuel Moore, le concept de commons doit être compris comme un mode de production tripartite comprenant la ressource commune, les acteurs qui la maintiennent (commoners), et les pratiques qui en découlent (commoning).

De nombreuses institutions, universités et professionnels de l’information scientifique investissent du temps et des ressources dans OpenAlex, pour justement maintenir ce commun. La France joue d’ailleurs ici un rôle de leader, soutenue par une politique nationale volontariste du MESR. Les commoners signalent des erreurs, corrigent les affiliations, développent des outils (comme le works-magnet). C’est un travail de maintenance, de soin (care work), effectué par la communauté pour consolider une infrastructure ouverte.

L’objectif explicite de cet investissement public est de nourrir une base libre plutôt que de continuer à dépendre de géants commerciaux. Or, avec Research Commons, nous nous retrouvons dans une situation paradoxale : en améliorant OpenAlex, la communauté améliore désormais aussi le Web of Science, gratuitement.

La capture du travail de care

Contrairement à l’acquisition en 2017 de bepress/Digital Commons par Elsevier, Clarivate n’a pas acheté OpenAlex. OpenAlex reste une ressource ouverte, pas moins ouverte qu’auparavant, et toujours autant disponible à être exploitée par d’autres plateformes ou projets.

Cependant, c’est le travail de soin des commoners qui est capté. Clarivate extrait le commun (qui reste un commun), bénéficie de sa valeur perçue actuelle en termes d’ouverture et de couverture élargie, et surtout, bénéficiera de sa valeur intrinsèque future à mesure que la communauté améliorera la qualité des données. C’est là que réside le commons washing : s’approprier la valeur du travail communautaire,

Link:

https://carnetist.hypotheses.org/2572

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11/25/2025, 03:21

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11/24/2025, 22:21